DON GIOVANNI AU FESTIVAL : MYTHOLOGIE AIXOISE DE «L’OPÉRA DES OPÉRAS»
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Cet été, la nouvelle production de Don Giovanni à Aix signe le retour d’un titre emblématique pour l’institution – sa vingt-cinquième représentation depuis 1949, année où l’opéra fait son entrée au répertoire dans une production qui marque durablement les premières décennies du Festival. La scénographie imaginée par Cassandre, la nouveauté de l’interprétation musicale et vocale propulsent immédiatement et durablement Don Giovanni au rang de production légendaire. Ce spectacle marque toute une génération de spectateurs et ne cesse de nourrir les imaginaires et les représentations du Festival d’Aix jusqu’à aujourd’hui : il a participé à construire Aix comme lieu mozartien par excellence, et surtout comme un foyer de la modernité musicale et scénique. Au fil des années, le Festival n’aura eu de cesse de renouveler l’approche de cette œuvre, pour continuer de la faire parler auprès de son public. En 2025, à l’occasion de cette nouvelle production, le Festival vous propose de plonger dans l’histoire de ce spectacle déterminant dans la construction de l’identité aixoise.
1949 — « DON JUAN AUX ÉTOILES »
Les premiers succès du « Festival Mozart » de juillet 1948 encouragent ses organisateurs à renouveler l’expérience et en étoffer l’ampleur l’été suivant. Avec Don Giovanni, le Festival d’Aix signe en 1949 la deuxième entrée au répertoire d’un opéra mozartien, après avoir proposé une production de Così fan tutte l’année précédente. Les deux titres forment dès lors le diptyque des titres rencontrant le plus de succès auprès du public et forgent durablement l’identité musicale et scénique du Festival. La production de Don Giovanni, reprise pendant douze étés jusqu’en 1972, consacre l’œuvre comme le titre-phare de l’institution et l’inscrit durablement dans les mémoires.
Comment expliquer un tel engouement, non seulement lors de la première série de représentations en 1949, mais également durant les décennies qui suivent ? Gabriel Dussurget, instigateur et directeur artistique du Festival, et Roger Bigonnet, directeur du Casino d’Aix-en-Provence, s’appuient sur une formule musicale déjà éprouvée l’année précédente : le chef d’orchestre Hans Rosbaud, grand interprète mozartien, dirige l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire de Paris. Tout comme pour le Così de 1948, le chef autrichien propose une version en langue originale (l’italien) de Don Giovanni, à rebours des pratiques les plus courantes dans les théâtres lyriques de l’époque, qui pouvaient le donner en français, et dans des versions tronquées. Les enregistrements au disque et les représentations télévisées qui découlent de cette interprétation disent bien le caractère historique de l’aventure musicale. Le titre, rarement représenté hors des cadres festivaliers prestigieux, comme ceux de Salzbourg et de Glyndebourne, fait d’emblée l’unanimité et le succès du Festival : chacun a le sentiment d’assister à un événement.
Mais c’est aussi du côté de la scène que la production aixoise de Don Giovanni fait date. En concevant d’un même coup, à la demande de Gabriel Dussurget, la scénographie et les costumes, ainsi que les plans du premier théâtre de la cour de l’Archevêché, le peintre Cassandre participe à forger l’écrin festivalier qui restera en usage durant de nombreuses années. La cour de l’Archevêché, de petites dimensions, ne peut accueillir qu’une scène assez étroite. Cassandre s’inspire alors des techniques du théâtre du XVIIIe siècle, avec des décors en toiles peintes pouvant émerger ou disparaître des coulisses, avec des changements de décor à vue, et des effets de perspective créés par un astucieux travail de trompe-l’œil. Les formes du palais dans lequel se déroule l’action ainsi que le cadre de scène s’inspirent de l’architecture XVIIe siècle de la cour aixoise ; plus encore, les motifs et les teintes sombres du décor – brun, bordeaux, bleu roi, or – offrent, dans un jeu de miroir, une interprétation théâtrale des tapisseries de Berain exposées dans le Musée des Tapisseries, situé au premier étage du Palais de l’Archevêché.
Gabriel Dussurget veut également donner une nouvelle apparence au personnage énigmatique de Don Giovanni : il tient à ce que l’interprète du rôle-titre soit jeune, afin de rendre plus sensible la séduction exercée sur tous les protagonistes – et sur le public. Renato Capecchi prend le visage de Don Giovanni en 1949, accompagné par un aéropage de jeunes artistes avant tout sélectionnés pour leur voix plutôt que pour leur renommée : Marcello Cortis, Suzanne Danco, Emmy Loose ou encore Emilio Renzi servent ainsi un casting de haut vol – une marque de fabrique aixoise. Dussurget insiste également sur la nécessité de répéter le spectacle ensemble pendant plusieurs semaines afin de créer une osmose entre la musique et la scène, et surtout une mise en scène fluide, la plus vivante possible.
L’harmonie des décors, des costumes et du cadre de scène, totalement inédite dans le domaine de l’art lyrique, les innovations musicales et scéniques et l’émotion qu’elles procurent au public qui assiste aux cinq représentations de l’été 1949, sont fixées par François Mauriac dans un texte devenu célèbre – participant presque autant que le spectacle de la légende aixoise de Don Giovanni. D’abord publié sous la forme d’articles dans Le Figaro, ce texte intitulé « Don Juan aux étoiles » prend sa forme définitive dans le programme du Festival de l’édition 1950. Mauriac y décrit l’atmosphère vibrante de la nuit provençale, prolongement de la scène aixoise, le reflet du caractère de dramma giocoso du Don Giovanni de Mozart dans la scénographie de Cassandre ; et enfin le « mystère » de la musique, rendu entier au public dans cette version conduite par Hans Rosbaud.
Au premier rendez-vous que Don Juan nous avait donné à Aix, nous étions venus avec une curiosité inquiète. Nous ne connaissions ni le nom qu'il portait à la ville, ni le son de sa voix, ni la couleur de son plumage. Aujourd'hui, nous nous hâtons vers le second rendez-vous, assuré de notre plaisir. La divine musique, délivrée de l'atmosphère confinée du théâtre, monte vers les étoiles et le ciel nocturne l'accueille et la commente.
À Aix, nous passons insensiblement des décors de Cassandre aux constellations sombrement sereines, comme la musique de Mozart unit aux folies de l'opera-buffa, aux guitares sous le balcon espagnol, le silence des morts tragiquement rompu par la voix sainte et terrible du Commandeur. Je croyais tout connaître, depuis la révélation que j'en eus à Salzbourg en 1937, de cet enchantement à aucune seconde interrompu que le seul Don Juan m'impose ; mais à Aix, cet aspect du dramma giocoso m'a frappé.
[…] Dans Don Juan, la vengeance de Dieu est masquée, et c'est le crime qui, naïf et confiant, lui ouvre les portes de son beau palais. Ainsi la chaude nuit d'été, les constellations palpitantes se font complices de la passion des hommes. La présence des étoiles au-dessus du théâtre d'Aix nous aide à entrer plus avant dans le mystère de cette musique dont l'enchantement même est un leurre puisqu'elle dissimule une justice aussi implacable que notre destin et qui a soin de nous enlever jusqu'à l'excuse de n'avoir pas été avertis. On dirait que Donna Elvire, à la dernière seconde, ne vient supplier Don Juan de se repentir que pour le perdre plus sûrement, puisqu'un renard ne se repent jamais d'être un renard, ni Don Juan d'être Don Juan.
La production est hissée au rang de légende par le Festival lui-même : « En 1949, seconde année du Festival d’Aix-en-Provence, le Théâtre de l’Ancien Archevêché avait été amménagé selon les plans de Cassandre qui avait dessiné le cadre de scène faisant maintenant partie de la légende aixoise, et qui était également l’auteur des décors et costumes que l’on a toujours conservés depuis ces premières représentations aixoises du chef-d’œuvre mozartien », peut-on lire dans le programme de l’année 1967.
EXTRAIT DE DON GIOVANNI EN 1964 EXTRAIT DE DON GIOVANNI EN 1969
1949-1972 — DON GIOVANNI, LIEU DE MÉMOIRE COLLECTIVE
Don Juan nous lie par un nœud que chaque été resserre. À ce rendez-vous qu'il nous assigne, nous ne saurions plus jamais manquer. Les années mêmes où il ne paraît point, son spectre blanc et rouge hante le théâtre...
Yves Florenne, éditorial du programme du Festival d’Aix 1958
Repris au cours de douze étés entre 1949 et 1972, le « Don Giovanni de Cassandre » devient le « Don Giovanni d’Aix-en-Provence ». Il a marqué toute une génération de spectateurs et de spectatrices. Une version musicale inédite, un lieu enchanteur, des interprètes peu connus mais d’une rare qualité, un Don Giovanni jeune mais profondément baroque, une identité scénique marquée et nouvelle : le Festival d’Aix forge progressivement les piliers de sa vocation artistique. Tous les deux ans, les mêmes décors et les mêmes costumes reviennent rituellement sur la scène de l’Archevêché – et une équipe artistique stable sert le spectacle. Hans Rosbaud dirige six séries de représentations entre 1949 et 1958, à la tête du même orchestre, avant qu’Alberto Erede (1960), Peter Maag (1964), Gianfranco Rivoli (1966) ou encore Serge Baudo (1967) ne prennent sa suite.
Le retour régulier des chanteurs et chanteuses emblématiques du Festival participe également à la notoriété du spectacle. Si Renato Capecchi incarne le premier Don Juan et lui donne ce visage empreint de fraîcheur (1949 et 1950), l’interprétation de Heinz Rehfuss (1952-1954), suivie de la prise de rôle de Gabriel Bacquier à partir de 1960, et de celle de Roger Soyer à partir de 1969 pour le rôle-titre permet chaque année au public international d’Aix de découvrir des voix nouvelles. Marcello Cortis et Rolando Panerai incarnent régulièrement Leporello, tandis que Teresa Stich-Randall interprète avec brio Donna Anna entre 1956 et 1969, époustouflant chaque année un peu plus par la virtuosité et la grâce de son interprétation. Sans dresser la liste de toutes les voix ayant servi cette production, il faut tout de même souligner que Suzanne Danco en Donna Elvira, Marielle Adani en Zerlina ou encore Raffaele Arié en Commandeur sont autant de souvenirs qui marquent durablement l’histoire de Don Giovanni à Aix. On se passionne alors pour le commentaire de l’interprétation musicale et vocale de ce « classique » du Festival.
Don Giovanni symbolise les réussites du Festival d’Aix et l’éclatant succès du renouveau mozartien en France. Pour le 10e anniversaire de la manifestation, en 1958, la publication sous l’égide du Festival d’un ouvrage regroupant l’essai de Pierre Jean Jouve sur Don Giovanni augmenté d’un commentaire de Cassandre sur la conception du théâtre (« Le théâtre en plein air du festival international de musique d’Aix-en-Provence »), ainsi que de planches illustrées des esquisses du théâtre et du décor du Don Giovanni, théorise et fixe définitivement les caractéristiques plastiques, esthétiques et théoriques du spectacle aixois. L’ouvrage lui-même est présenté comme « une sorte de postface à l’admirable Don Juan de Mozart du même écrivain qui fait aujourd’hui autorité dans l’histoire mozartienne.
Ce livre adoube définitivement Aix en lieu mozartien. Pierre Jean Jouve conclut ainsi son essai :
Lorsque, sous une brillante direction d’orchestre et dans un si grand cadre, cette scène était chantée [Air d’Anna, acte II], je pensais que le Don Giovanni d’Aix fixait le drame de Mozart en ses caractères les plus authentiques.
Par le truchement des mots d’un des plus importants essayistes et critiques de son époque, Aix-en-Provence forge son image mozartienne et fait entrer Festival d’Aix dans la grande histoire de la musique et des productions.

Don Giovanni, 1949 © Henry Ely

Don Giovanni, 1967 © J.Bouville - collections Ville d'Aix-en-Provence
1976-1992 — DÉJOUER LE MYTHE ?
Le Don Giovanni de Cassandre devient alors l’un des symboles de la période fondatrice du Festival d’Aix. Avec les divergences politiques et artistiques entre le gestionnaire du Casino, Jean Betrand, et le directeur artistique Gabriel Dussurget, le Festival prend un nouveau visage en 1974, se muant en une association dont la direction générale est confiée à Bernard Lefort. Une nouvelle ère s’ouvre ; et après avoir donné pendant plus de vingt-cinq ans la même production de Don Giovanni, le Festival d’Aix amorce son renouvellement avec une programmation neuve.
Le projet de Bernard Lefort, en rupture avec celui de son prédécesseur Gabriel Dussurget, entend propulser le Festival dans une dimension internationale et rompre avec les habitudes prises avec les peintres décorateurs pour donner la primeur à la figure du metteur en scène. Lefort souhaite également élargir le répertoire à de nouvelles œuvres lyriques, abandonne le principe des reprises des productions des années précédentes, et surtout, décrète que Mozart doit « perdre son privilège ». Sans bannir le compositeur du répertoire aixois, Bernard Lefort en atténue considérablement la place, et promeut de nouveaux titres et de nouvelles facettes de Mozart : Don Giovanni n’est plus le titre-phare à Aix.
L’unique production sous son mandat, en 1976, mise en scène par Jean-Pierre Vincent dans les décors de Jean Dautremay et les costumes de Patrice Cauchetier, ne marque guère les esprits, en dépit d’un casting vocal de qualité : l’ombre de la production de 1949 plane encore sur Aix-en-Provence. André Tubeuf décrit cet attachement durable dans le programme du Festival 1976 :
Entre Don Giovanni et la nuit d’Aix, il y a eu, voici près de trente ans, mieux qu’un coup de foudre (Don Giovanni en a vu d’autres !) : une sorte d’ajustement. C’était 1949. Cassandre avait ajusté l’impossible théâtre, aux équilibres non moins périlleux : perspectives faux-semblables, et aussitôt évidentes et vraies, aplaties avec l’aplomb du mensonge supérieur, en divine connivence avec d’irremplaçables étoiles. Là Don Giovanni se trouva, simplement, lui-même. Et chez lui. Pour tous ceux qui ont connu l’Aix d’autrefois, la silhouette du Séducteur habite toujours ces lieux, et leur est restée fidèle.
Quelques années plus tard, Louis Erlo, directeur du Festival de 1982 à 1996, remet Mozart au centre de son projet pour le Festival, sans pour autant privilégier Don Giovanni : la singularité mozartienne au Festival passe alors par la recherche de nouveaux titres ou de nouvelles interprétations de ce répertoire (valorisation de titre rares, comme Mithridate en 1983 ; production d’une nouvelle version italienne de La finta giardiniera en 1984, etc.). En quatorze années, seules deux productions de Don Giovanni voient le jour : un spectacle mis en scène par Gildas Bourdet en 1986 ; et un second, porté par Giorgio Marini en 1992 et repris en 1993, avec les décors d’Aduirno Cantafora, sous la baguette d’Armin Jordan et la tête de l’English Chamber Orchestra, très présent à Aix pendant cette période. Le succès relatif de la production, somme toute très classique, emprunte beaucoup à l’esthétique de l’adaptation cinématographique de Joseph Losey de Don Giovanni (1979).
1998 — RENOUVELER LE FESTIVAL AVEC DON GIOVANNI
En 1998, le Festival fête son 50e anniversaire en même temps que sa renaissance, après une crise financière qui l’avait temporairement fait disparaître pour la saison 1997. La cour de l’Archevêché réouvre ses portes avec un théâtre flambant neuf et son titre phare : Don Giovanni, mis en scène par Peter Brook. Le nouveau souffle que connaît le Festival lui permet de retisser son lien particulier à Mozart. Le Festival est entré dans une époque où il lui est possible de se ressaisir de ce titre, et de continuer à écrire l’histoire de sa modernité et de son originalité avec lui ; tout comme en 1948, le compositeur est placé sous le signe du renouveau de l’approche scénique et musicale.
Stéphane Lissner convoque en effet cette année-là une équipe artistique de grande envergure – Claudio Abbado et Daniel Harding à la direction musicale, et le metteur en scène Peter Brook pour son grand retour à l’opéra. Le Don Giovanni, repris en 1999 et 2002, constitue un nouveau pilier de l’institution refondée. Sur une scène presque vide aux allures de théâtre de tréteaux, les chanteurs manipulent d’immenses bâtons de couleur, se meuvent entre un drap et quelques bancs pour donner vie aux personnages et à la musique de Mozart dans toute sa force et sa simplicité. Comme en 1949, de jeunes interprètes constituent le plateau vocal : Véronique Gens est une Elvira poignante, et le Suédois Peter Mattei, choisi par Peter Brook après de longues recherches, incarne le rôle-titre et est révélé au grand public à cette occasion ; le tout jeune Daniel Harding dirige en alternance avec Claudio Abbado le Mahler Chamber Orchestra nouvellement formé, offrant une approche inédite de la musique de Mozart sur instruments modernes et en petit effectif. Le long travail de répétitions apporte une cohésion hors du commun entre la fosse et la scène. Cette version minimaliste, mais pleine de vie, signe le début d’une nouvelle identité scénique au Festival d’Aix. Le spectacle tourne dans le monde entier pendant plus de quatre ans.
REPORTAGE FRANCE 2 SUR DON GIOVANNI EN 1998 REPORTAGE SUR LA MISE EN SCÈNE DE PETER BROOK

Don Giovanni, 1992 © Ville d'Aix

Don Giovanni, 1992 © Ville d'Aix

Don Giovanni de Mozart, mise en scène de Peter Brook
Festival d'Aix-en-Provence 1999 © Elisabeth Carecchio
2010-2017 — SUCCÈS SCÉNIQUES DE DON GIOVANNI
C’est désormais avec un constant renouvellement musical et scénique que Don Giovanni revient visiter régulièrement la cour du Théâtre de l’Archevêché. Deux productions marquent ainsi le passé plus récent du Festival : la première est celle de Dmitri Tcherniakov, créée en 2010 et reprise en 2013 – la première fois avec Louis Langrée à la Tête du Freiburger BarockOrchester, et la seconde avec Marc Minkowski dirigeant le London Symphony Orchestra. Tcherniakov recompose comme à son habitude la dramaturgie du livret, et fait de tous les personnages les membres d’une grande famille bourgeoise qui se désagrège, où chacun joue un rôle étrange, dans une grande mascarade dont le Commandeur est la figure paternelle centrale. Le metteur en scène interroge ainsi la manière dont Don Giovanni, grand bourgeois dépressif enfermé dans son salon et magistralement incarné par Bo Skovhus, dérange l’ordre familial et social bourgeois. La production, dont l’interprétation est fixée au disque, est reprise à l’Archevêché en 2013 dans une distribution renouvelée. La famille de Don Giovanni, y est encore plus crédible dans ses névroses – Rod Gilfry en Don Giovanni, Maria Bengtsson en Donna Anna –, et fait de cette reprise un vrai succès.
En 2017, Bernard Foccroulle, directeur du Festival programme une seconde production de Don Giovanni, cette fois-ci mise en scène par Jean-François Sivadier et dirigée par Jérémie Rhorer, à la tête de son ensemble du Cercle de l’Harmonie. Accentuant l’importance du couple formé par les personnages de Don Giovanni (Philippe Sly) et de Leporello (Nahuel di Pierro), la proposition de Sivadier repose sur une mise en abîme du théâtre en train de se faire. Masqués et évoluant autour de tréteaux éclairés par d’élégantes ampoules colorées, les personnages du dramma giocoso se livrent avec vitalité au fascinant jeu de séduction imaginé par Mozart et Da Ponte.

Don Giovanni de Mozart, mise en scène de Dmitri Tcherniakov
Festival d'Aix-en-Provence 2013 © Pascal Victor
2025 — HUITIÈME PRODUCTION DU TITRE PHARE AIXOIS
Après huit années d’absence à l’affiche du Festival, la nouvelle et huitième production de Don Giovanni sera cette année servie par le metteur en scène Robert Icke et le chef d’orchestre Sir Simon Rattle, à la tête de l’Orchestre de la Radiodiffusion bavaroise. L’œuvre sera représentée pour la première fois au Grand Théâtre de Provence – qui a déjà accueilli des productions d’opéras mozartiens depuis son édification en 2007, notamment celles de La Flûte enchantée. Pierre Audi a confié la nouvelle version de cette œuvre à Robert Icke, dramaturge et metteur en scène britannique de renom (plus jeune vainqueur du Laurence Oliver Award en 2015 pour son adaptation de L’Orestie d’Eschyle) et héritier du travail de Peter Brook. Il s’agira de la première mise en scène lyrique de sa carrière. Sa lecture singulière mais stimulante du livret de Don Giovanni cherche à répondre avec sincérité à la question posée par Leporello à son maître au début de l’opéra : « Qui est mort ? Vous, ou le vieux ? Robert Icke se réinterroge ici – et si le Commandeur, tué par un homme jeune au début de l’opéra, ne faisait qu’un avec Don Giovanni ?
Anne Le Berre