[ CARNET DE RÉPÉTITION ] LA CALISTO

Au festival
vendredi13juin 2025

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5 juin 2025. Le début du mois de juin signe la réouverture annuelle du Théâtre de l’Archevêché et la découverte des gradins pour accueillir le public festivalier dans moins d’un mois. Cette année, La Calisto, opéra de Francesco Cavalli, ouvre le bal et inaugure le plateau : après une semaine de répétitions musicales à Paris, et une dizaine de jours de répétitions scéniques à Venelles, où se trouvent les ateliers de construction des décors et costumes, les artistes et les équipes de création artistiques prennent possession des lieux.

18h30 La lumière de la fin de journée est splendide sur le cadre de scène du Théâtre de la cour ; tandis que les musiciens du continuo de l’Ensemble Correspondances, qui seront rejoints dans quelques jours par le reste de l’orchestre, prennent place dans la fosse, une joyeuse effervescence flotte dans l’air. Sous les premiers accords du clavecin, de la harpe, du luth et de l’orgue positif, la plateforme centrale du décor pivote : la demi-rotonde lambrissée d’un salon du XVIIIe siècle laisse désormais apparaître un petit salon composé de bergères et d’un sofa. Un lustre descend du plafond, dans un espace qui constitue désormais une cavité ; une porte dans le fond de scène s’ouvre pour laisser passer un ballet de laquais – encore en baskets – et de chanteurs – en jaquettes sur leurs shorts. On peut admirer la monumentale fontaine du mur de fond de scène de la cour de l’Archevêché, qui nous rappelle la théâtralité intrinsèque de ce lieu magique. Jetske Mijnssen, la metteuse en scène de la production, demande à reprendre ce mouvement pour préciser la vitesse de cette entrée ; lunettes de soleil sur le front, elle échange avec Sébastien Daucé, lui-même sous un grand parasol protégeant l’orchestre du soleil. On règle la musique et les déplacements ; les régisseuses de scène consignent ces paramètres techniques.

Dans ce salon dévoilé, Anna Bonitatibus fait son entrée. La mezzo-soprano campe, dans une théâtralité presque innée, et avec la plus grande des élégances, Junon qui entre en son salon, composée des petites divinités sylvestres (David Portillo, Théo Imart et José Coca Loza). Le continuo est déjà riche et sonore, dans cette cour encore vide de spectateurs ; et même dans ce moment de répétition, le timbre ample et dirigé de la soprano italienne sert avec fougue toute la colère et l’impatience de Junon, sous l’œil complice du chef d’orchestre. Dustin Klein, le chorégraphe, ajuste la prestance et les attitudes de chaque personne présente sur scène. « Very good ! » lance Jetske Mijnssen, suivie de ses deux assistantes qui prennent note de la scène qui vient ainsi d’être validée. C’est au tour de Lauranne Oliva, Calisto en personne, d’apparaître et de rejoindre Anna Bonitatibus. La jeune soprano incarne avec fraîcheur et assurance ce personnage frêle mais déterminé. Jetske Mijnssen règle tous les détails entre les deux femmes, dans un investissement physique rare, pour trouver la juste expression et les attitudes propres à cette scène de confession. Tout va très vite : les deux chanteuses marquent leur texte en parlant pour s’approprier leurs déplacements ; leurs grandes aptitudes théâtrales leur permettent de passer à la scène chantée quelques minutes plus tard. La dynamique de travail collectif est impressionnante : dans un bain linguistique allant de l’italien (langue de l’œuvre) à l’anglais, en passant par l’allemand, le français et le néerlandais, les idées fusent et chacun se comprend.  Lauranne Oliva enjambe le rebord de scène pour s’adresser à Sébastien Daucé et lui poser une question sur le tempo de son récitatif, avant de reprendre une ultime fois la séquence.

19H15 – Une courte pause – le temps de replier les parasols de l’avant-scène, maintenant que le soleil a terminé sa course – et c’est au tour d’un autre duo de faire passer au plateau une scène répétée en studio. Nous voici en présence d’un autre couple de l’opéra : le berger Endymion (Paul-Antoine Bénos-Djian) se languit de la déesse Diane (Giuseppina Bridelli). Sébastien Daucé semble avoir momentanément disparu, mais les instrumentistes soutiennent le chant de Paul-Antoine Bénos-Djian. Ce « songe d’Endymion » envoûte le plateau – et lorsque l’on parvient à détacher le regard de cette scène, c’est pour apercevoir Sébastien Daucé… dans le foyer d’une cheminée latérale du décor, lui aussi captivé par la performance du contre-ténor et n’osant interrompre ce moment pour regagner la fosse. Giuseppina Bridelli rejoint son partenaire de chant pour une nouvelle séquence émouvante, ponctuée par les apparitions comiques d’autres personnages – et dont les cachettes derrière les éléments du décor sont répétées quelques minutes encore.

21H30 – Une plus longue pause a laissé la nuit s’installer. Une grande partie des interprètes s’entraîne désormais à exécuter une scène chorégraphiée qui revisite le « Ballet des ours » de la fin du premier acte. Dustin Klein a préparé une succession de menuets stylisés et de farandoles endiablées ; par de truculentes trouvailles, la comédie de La Calisto se prolonge dans cette scène de danse, pendant que le reste des équipes procède à des essais de lumières. Les couleurs dorées projetées sur le décor recréent l’ambiance d’une nuit de bal. Alex Rosen (Jupiter) est littéralement le paon de cette cour, et tous semblent prendre un grand plaisir à répéter avec application une danse complexe. Dustin Klein supervise la séance sous l’œil de Jetske Mijnssen, afin que personne ne perde de vue l’interprétation de son personnage. Malgré la simplicité des costumes de répétition – jupes de tulle, talons à cambrure pour femmes et hommes –, on devine déjà l’ampleur que prendra la séquence.

23H30 – Les lumières de la scène, puis celle de la cour, s’éteignent. En quittant la salle, on ne peut s’empêcher de lever les yeux vers le ciel ; dans quelques minutes, la Grand Ourse – Calisto métamorphosée – brillera au-dessus du balcon de l’Archevêché...

Anne Le Berre

Répétitions La Calisto — Festival d'Aix-en-Provence 2025

Répétitions La Calisto de Cavalli
Direction musical : Sébastien Daucé — Mise en scène : Jetske Mijnssen
Festival d'Aix-en-Provence 2025 © Jean-Louis Fernandez

Répétitions La Calisto — Festival d'Aix-en-Provence 2025

Répétitions La Calisto de Cavalli
Direction musical : Sébastien Daucé — Mise en scène : Jetske Mijnssen
Festival d'Aix-en-Provence 2025 © Jean-Louis Fernandez

Répétitions La Calisto — Festival d'Aix-en-Provence 2025

Répétitions La Calisto de Cavalli
Direction musical : Sébastien Daucé — Mise en scène : Jetske Mijnssen
Festival d'Aix-en-Provence 2025 © Jean-Louis Fernandez