Jeudi 16 juin 2022, 18h – Théâtre de l’Archevêché – Festival d’Aix-en-Provence
Alors que la chaleur est encore torride en cette fin d’après-midi, les répétitions d’Idomeneo ne font que commencer. L’opéra de Mozart en production au Théâtre de l’Archevêché pour l’édition 2022 du Festival d’Aix-en-Provence est interprété par le chœur et l’orchestre Pygmalion, dirigé par Raphaël Pichon, et mis en scène par Satoshi Miyagi, accompagné par l’ensemble de son équipe, principalement japonaise. Les répétitions ont lieu avec le continuo, – sans l’orchestre pour le moment –, ce qui permet de se concentrer sur la mise en scène. Sur le plateau, la communication suit un parcours bien précis : toutes les instructions que transmet le metteur en scène résonnent d’abord en japonais avant que l’interprète ne traduise en français ses propos. Parfois, Raphaël Pichon synthétise les informations afin de s’assurer de l’intelligibilité du message. Il ne s’agit donc pas seulement d’une conjonction esthétique, – entre le monde de l’opera seria mozartien et un imaginaire issu de la civilisation japonaise – mais aussi d’un travail en commun, avec son lot de difficultés et de rencontres miraculeuses entre deux cultures.
Sur scène, se déploie une scénographie monumentale imaginée par Satoshi Miyagi et Junpei Kiz, qui a déjà collaboré avec le metteur en scène pour la production très remarquée d’Antigone au Festival d’Avignon. Le chœur, qui joue un rôle central dans l’opéra de Mozart, se déplace dans ce décor grandiose fait de colonnes mobiles, rappel contemporain du théâtre antique grec que souligne le plein air de l’Archevêché. Le metteur en scène a choisi de placer l’histoire d’Idomeneo et son cortège de personnages mythologiques dans un univers japonais. Si la musique de Mozart est destinée à susciter l’effroi et la pitié, la mise en scène y contribue également d’une façon profondément marquante : les costumes pensés par Kayo Takahashi Deschene, la division très claire de l’espace scénique, les jeux de couleur et de grisaille, cette architecture en mouvement…
Un opéra en répétition est une ruche qui ne manque jamais d’impressionner quand on la voit au travail : aujourd’hui, il s’agit de mettre au point la chorégraphie du Chœur Pygmalion qui clôt le premier acte du drame. La minutie de la mise en place étonne : pas moins de deux heures sont consacrées à ce moment relativement court. Sur le plateau, les équipes techniques et artistiques se coordonnent en un ballet complexe dont la fluidité est cruciale.
Jusque-là, les spectateurs auront contemplé le nœud tragique se serrer autour des personnages, en particulier autour d’Idoménée, le roi de Crête, incarné par Michael Spyres. Pris dans une violente tempête à laquelle il pense devoir succomber, ce dernier a promis au dieu des mers, Neptune, de lui sacrifier la première personne qu’il verrait en posant le pied à terre s’il le laissait seulement vivre. La promesse barbare d’Idoménée se retourne contre lui quand, à peine arrivé, il aperçoit son propre fils, Idamante, que joue avec brio Anna Bonitatibus (le rôle était originellement tenu par un castrat). Alors qu’Idamante voit avec incompréhension son propre père fuir à sa vue, le peuple incarné par le chœur se réjouit du retour de son souverain, sans savoir ce qui est train de se tramer. À cette occasion, l’opéra de Mozart inclut un ballet qui a été mis en mouvement par la chorégraphe de l’équipe artistique japonaise, Akiko Kitamura. Cette dernière donne les instructions directement en anglais aux danseuses chargées de transmettre les mouvements à l’ensemble vocal. Très sollicité dans la mise en scène, le Chœur Pygmalion avait également brillé par son engagement physique dans le Requiem de Mozart mis en scène par Romeo Castellucci en 2019. À présent, les artistes du chœur intègrent progressivement les gestes, conservant tout au long de la répétition leur fougue et leur bonne humeur, malgré la gageure : chanter tout en bougeant, dansant, ou en déplaçant des modules du décor…
À 21h30, la répétition reprend mais, cette fois, c’est un filage arrêté du premier acte. On entend alors résonner le premier air d’Ilia, « Padre, germani, addio! », merveilleusement interprété par Sabine Devieilhe. Puis le filage s’interrompt au milieu du premier acte : le déplacement des éléments du décor est un enjeu de taille, une mécanique dont chaque pièce doit être à sa place, conduisant l'interprète, qui campe une Électre furieuse et emportée à reprendre plusieurs fois son air. Bientôt la régisseuse intervient, il est temps d’achever la répétition. Dans le soir qui tiédit enfin, de petits groupes se forment, animés de conversations surexcitées ; le plateau se vide progressivement tandis que, dans l’ombre, plusieurs travailleront aux lumières puis à l’alternance des décors encore tard dans la nuit.
François Delécluse, dramaturge du Festival d'Aix-en-Provence
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